Vieillir !
C’est gravir un 8’000
Sans guide, sans porteurs,
Sans oxygène,
En solitaire,
Abandonnant à chaque bivouac
Victuailles, Illusions, Déguisements,
Tout ce qui pèse tant !
En toi, tout déjà se fragilise,
Hésite, vacille,
Du mot qui se refuse à ta mémoire
Au regard embrumé, comme lavé
D’avoir tant vu effrois et beautés,
Jusqu’aux muscles noués
Et au froid ressenti dans tous tes os !
Tu sombres, à l’abandon,
Trahie par ton propre corps !
Seule ta peau reste sensible
Aux caresses, aux baisers,
Mais déjà tu es seule
Et tu as choisi de monter.
Tu sais que jamais plus
Tu ne reviendras au camp de base
Où festoient encore tes enfants,
Ta famille, tes amis
Du temps d’avant.
Tu sais aussi que tu as le choix
Entre dérocher,
Te jeter dans le vide
Ou monter, escalader,
Monter encore, t’agripper,
Glissant sur les névés,
Évitant les crevasses,
Tant bien que mal,
Au prix d’énormes efforts.
Mais tu as choisi de monter
Car tu sais la lumière
Au sommet,
Celle que toute ta vie
Tu as désirée.
Tu sais aussi que la mort
Elle a épousée.
Tu le sais, mais encore
Tu dois monter,
Tu veux boire
Sa liqueur d’Éternité,
Tu t’en soûles.
Devenir Elle,
Ne plus penser,
Et en poussières d’étoiles
Tu te transformes
Pour encore, autrement,
Vivre, Aimer,
Et peut-être Briller.
Charlotte,
23 mars 2022,
pour mes 80 ans.