publié le 28.10.2020

Renée-Noëlle, qui accompagne son mari depuis quinze ans

Oui je vis le deuil blanc de la personne qui m’est la plus chère.

Depuis quand ? Le moment n’a pas d’importance. C’est un deuil qui s’est imposé pour moi de manière progressive, un deuil qui est devenu de plus en plus présent.

Peu à peu mon mari n’est plus comme avant et je ne peux plus m’appuyer sur lui. Il écrit n’importe quoi en réponses aux courriers électroniques.

Il ne retrouve pas  son chemin.

Il a un regard absent…

Le deuil blanc est là lorsque il n’y a plus d’espoir d’amélioration possible.

Bertrand est là, maintenant complètement dépendant et heureusement paisible.

Il ne me contredit pas car il ne parle plus. Je peux donc faire des choix sans le consulter. Dans un sens j’ai pris le pouvoir dans notre vie et ce n’est pas toujours désagréable, c’est plus facile.

Aucun échange intellectuel n’est désormais possible entre nous. C’était un sage, j’avais besoin de son avis, de ses conseils.

Ce qui est le plus difficile c’est qu’il ne sourit plus et ne parle plus. Quand je vois une photo où il sourit je suis au bord des larmes et paradoxalement cela me fait du bien.

Je décrypte le moindre geste ou regard qui pourrait exprimer ses intentions. L’autre jour, sur un banc au bord du lac, il m’a caressé le dos avec une douceur incroyable. Une soignante était touchée comme il répondait à une petite caresse sur sa joue « comme un petit chat » disait-elle avec émotion.

Pour moi le deuil blanc n’effacera jamais ce qu’il a été.

Il est encore le Bertrand que j’aime et il me fait du bien.

1er novembre 2020