Émile Ratelband est hollandais, il a 69 ans, et il suffit de jeter un œil sur la photographie qui le représente pour constater qu’il rayonne de vitalité et de joie de vivre. Mais il estime que son âge le dessert, et il trouve cela profondément injuste. Il pense que, dans nos sociétés occidentales, l’âge est un facteur de discrimination et de marginalisation. « Quand on a 69 ans, déclare-t-il, on est limité. Si j’avais 49 ans, je pourrais acheter une nouvelle maison, conduire une voiture différente ou travailler davantage. Quand je suis sur Tinder (un site de rencontres) et que je dis que j’ai 69 ans, je n’obtiens aucune réponse. Mais si j’avais 49 ans, avec le visage que j’ai, je serais dans une situation de luxe ! »
Tirant les conséquences du malaise qu’il ressent à l’égard de son âge, notre Hollandais a décidé d’agir. Il a déposé une requête juridique dans laquelle il demande à avoir la possibilité de modifier officiellement sa date de naissance. « On peut changer de nom, on peut changer de genre, alors pourquoi pas son âge ? »
L’âgisme
Cette histoire, relayée par des médias de plusieurs pays, illustre parfaitement une notion qui acquiert de plus en plus d’actualité : l’âgisme. De quoi s’agit-il exactement ? Disons, pour faire simple, que l’âgisme désigne toutes les formes de discrimination, de ségrégation, de mépris fondés sur l’âge, et, bien sûr, tout spécialement sur l’âge avancé…
En effet, dans notre société, où les valeurs dominantes sont toutes en lien avec la jeunesse, la performance, la beauté, etc., comment une personne âgée pourra-t-elle se sentir à l’aise ? Tous les signes de l’âge, les rides, les cheveux blancs, les poches sous les yeux, les taches sur la peau, le regard et la démarche moins assurés, toutes ces marques du temps sont trop souvent des motifs de mise à distance, de rejet, quand ce n’est pas de peur et de dégoût. D’où cette ambiance de gérontophobie qui envahit insidieusement notre société.
Les produits anti-âge : un combat perdu d’avance
Mais les personnes vieillissantes elles-mêmes contribuent, souvent sans s’en rendre compte, à renforcer l’âgisme ambiant lorsqu’elles cherchent à tout prix à camoufler leur âge et à paraître plus jeunes qu’elles ne le sont : elles s’habillent comme des jeunes, se coiffent comme leur fille, et recourent à un arsenal de produits de beauté « anti-âge », voire à la chirurgie esthétique, comme autant de bataille – perdues d’avance – contre la vieillesse.
Il me plaît de conclure ce propos par une citation d’Hermann Hesse : « La vieillesse ne devient médiocre que lorsqu’elle prend des airs de jeunesse. »