publié le 14.2.2019

Comment la créativité peut aider à faire face à la maladie d’Alzheimer

Charly a 63 ans ; il vit avec la maladie d’Alzheimer depuis quelques années. Il a d’abord été longuement soigné pour une dépression et, finalement, à la suite de longues investigations, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est tombé. C’est ainsi qu’il fait partie de ces 7’000 « jeunes malades » (sur plus de 150’000) qui, en Suisse, sont atteints de la maladie d’Alzheimer avant l’âge de la retraite. Charly a été diagnostiqué dans la cinquantaine, en pleine période d’activité professionnelle, et la maladie a eu pour lui des conséquences bouleversantes : il a perdu son emploi – ce qui l’a confronté à des difficultés financières – et les troubles liées à la maladie ont eu d’importantes répercussions sur sa vie de famille…

Depuis janvier 2015, Charly est un membre actif du groupe de soutien Carpe diem, destiné aux jeunes malades Alzheimer suisses-romands. Il participe à chacune de nos réunions, avec sa bonne humeur et sa gentillesse coutumières. Avec beaucoup de courage et de détermination, il fait face à la maladie ; à plusieurs reprises, il a accepté de témoigner en public, ayant compris que la meilleure chose à faire était de ne jamais dissimuler l’épreuve qu’il affronte.

La perspicacité d’une ergothérapeute

Parmi les activités qui l’aident à avancer dans sa vie, il y a un suivi ergo-thérapeutique à domicile. Et c’est au fil des séances avec son ergothérapeute – dont j’aimerais ici relever la grande perspicacité – qu’il s’est découvert un goût et un talent pour des créations en fil de fer. Le travail avec des matériaux simples, comme des bouts de bois flottants qu’il va rechercher lui-même le long des rivières, des fils de fer auxquels il peut donner les formes que sa fantaisie lui dicte, des figurines qui apportent à ses créations une dimension humaine, ce travail qui, dans un premier temps, comporte un aspect « manuel » , concret, devient, par l’imagination et la sensibilité de Charly, une activité « artistique » mettant en jeu à la fois les sphères cognitives, créatives et émotionnelles de son cerveau.

Les troubles habituels de la maladie d’Alzheimer, comme les oublis, les difficultés à organiser sa vie quotidienne, perdent ainsi un peu de leur importance et de leur influence, au profit d’autres zones du cerveau qui ont conservé une grande partie de leur efficacité. Pour Charly, ce sont les zones liées aux émotions et à la créativité. Et c’est ainsi que la maladie lui a permis de découvrir une facette de sa personnalité qui serait sans doute rester en friche et qui, dans la cruelle épreuve qu’il affronte, lui apporte quelques précieux moments de joie et de partage.

Les créations de Charly exposées au Vide-poches

Admirative de la qualité du travail de Charly, j’ai souhaité faire connaître ses créations à un plus large public ; et c’est ainsi que, en 2018, j’ai pu accueillir les œuvres de Charly dans l’une des expositions du Vide-poches, la galerie que je dirige au sein de l’hôpital psychiatrique de Marsens. Cette exposition a demandé à Charly trois années de préparation, pendant lesquelles il a consacré une grande partie de son temps à imaginer et à créer la trentaine d’œuvres qui ont finalement été montrées au public du Vide-poches.

Cette exposition a été un grand succès, à tous égards : elle a obtenu les faveurs du public, qui est venu nombreux, et de la presse qui lui a consacré de grands articles ; toutes les œuvres ont été vendues et Charly a même reçu des commandes pour des créations qu’il est encore aujourd’hui en train de réaliser.

Charly le fil de fer : un exemple

Pour Charly, cette exposition a représenté un moment important dans le combat qu’il mène jour après jour contre la maladie : son travail était reconnu, valorisé, et avec lui sa capacité à créer, à exister pour les autres, à occuper une place dans le monde qui l’entoure. Il a trouvé un nouveau statut, et une sorte de notoriété gratifiante : « Charly le fil de fer ».

La manière dont Charly fait face à la maladie devrait être, pour tous les malades diagnostiqués assez tôt, une source d’inspiration : à la fois par sa participation au groupe Carpe diem, par ses témoignages courageux, par son hygiène de vie et par son travail créatif, il démontre que cette maladie, même si elle constitue une cruelle épreuve, peut aussi être l’occasion de victoires sur le sort, de moments de joie, de raisons de ne pas désespérer.

Charly le fil de fer illustre parfaitement l’adage : « Le bonheur est plus fort que l’oubli. »