publié le 1.4.2019

Bonne nouvelle : même les stars d’Hollywood vieillissent !

Des vieux éternellement jeunes

J’ai régulièrement l’occasion d’approfondir mes recherches scientifiques sur le vieillissement, et en particulier sur le vieillissement des stars, lors de mes passages chez ma coiffeuse à qui je confie le soin d’escamoter tous mes cheveux blancs (et j’en ai beaucoup, hélas !). Là, en attendant mon tour, ou pendant que je patiente « sous le casque », je feuillette tous les magazines récemment parus, m’arrêtant plus particulièrement aux articles – et aux photos – qui racontent et exposent les heurs et malheurs des vedettes vieillissantes.

Le plus souvent nos stars du grand et petit écran, même à un âge avancé, exhibent un air éternellement jeune, dynamique ; elles arborent des visages lisses de toute ride, un teint de pêche, lumineux et sans la moindre tache ; elles sont vêtues de tenues hyper-tendance qui leur donnent des allures d’adolescentes… Bref, tout en elles respire un refus farouche du vieillissement et de tous les ravages qui pourraient trahir leur âge réel. Et bien sûr, s’il leur arrive d’avouer leur âge, c’est en se réjouissant secrètement de nous entendre leur dire : « Ma chère, septante-six ans, je n’y crois pas une seconde, vous ne les faites pas du tout, on vous en donnerait à peine cinquante ! »

En réalité, dans cette lutte désespérée contre l’âge et le vieillissement, nos stars ne font que refléter les valeurs dominantes de nos sociétés : l’éloge de la jeunesse, du dynamisme, de la compétitivité ; la soumission à un canon stéréotypé de la beauté, la volonté de tenir éloigné tout ce qui pourrait évoquer le sort commun, ce grand départ auquel nous évitons à tout prix de penser. Elles sont, à leur façon, complices de toutes les mises à l’écart, les marginalisations dont sont victimes les personnes âgées dans nos sociétés narcissiques. Elles alimentent sans s’en rendre compte la gérontophobie ambiante. À feuilleter nos magazines, l’on pourrait penser que les vieux – du moins dans le monde des stars – n’existent pas.

Les premiers rôles à des vieux

D’où ma surprise de découvrir, en me promenant un soir dans le monde de Netflix, deux vieux authentiques, l’un âgé de 74 ans, Michael Douglas, l’autre de 84 ans, Alan Arkin. Ils jouent ensemble dans une mini-série – La Méthode Kominsky – dont le sujet est justement le vieillissement. Ni Sandy ni Norman ne cachent leurs rides, leurs poches sous les yeux, leurs taches sur la peau, leur calvitie ou leurs cheveux blancs, leur démarche parfois vacillante, leurs ennuis de prostate, les défaillances de leur mémoire, les tremblements de leurs mains, bref toute la panoplie des stigmates de l’âge. Je me suis mise à les suivre au gré des 8 épisodes de la série, tout étonnée de voir des acteurs si authentiquement vieux que j’avais l’impression de les côtoyer réellement, qu’ils étaient venus me rejoindre dans mon salon, dans la vraie vie. Les stars vieillissent donc, comme vous et moi ! Que cela est rassurant !

À cette première satisfaction s’en est ajoutée une seconde, que mon regard de gérontopsychologue m’a permis de savourer à sa juste valeur : l’histoire racontée dans La Méthode Kominsky sonne juste d’un bout à l’autre. Sur le mode de la comédie, cette série aborde, souvent avec une grande profondeur, tous les thèmes de l’avancée en âge. L’on rit, l’on sourit, l’on s’émeut, il arrive même que l’on essuie discrètement une larme, pendant que nos deux vieux acteurs s’engagent vaille que vaille dans tous les passages obligés de la vieillesse : la fin du parcours professionnel et la difficulté à quitter la vie active ; les retours sur le passé, les bilans, et le cortège des regrets et des remords qui les accompagne ; la mort d’une épouse, le deuil difficile et le sentiment d’abandon pour celui qui reste ; les relations parfois chaotiques entre générations ; la maladie et l’ombre de la mort qui plane alentour. Mais aussi, et c’est la face ensoleillée de la vieillesse, les consolations de l’amitié, les bienfaits de la solitude et du retour sur soi, les satisfactions du devoir accompli, la tendresse des liens sociaux et familiaux, les derniers feux de l’amour et de la sexualité, etc. À côté de ces thèmes connus, mille autres détails encore viennent se loger dans les recoins de chaque épisode, parfois si fugaces, si infimes qu’on les aperçoit à peine, mais qui pourtant sont là et qui donnent à La Méthode Kominsky cette richesse et cette profondeur qui tantôt nous serrent le cœur, tantôt nous font sourire parce que nous nous disons alors : « Mais oui, c’est tout à fait cela, je l’ai observé ou éprouvé cent fois… »

Des leçons de vieillesse

Pour ma part, j’ai passé un excellent moment en compagnie de Sandy et Norman, m’amusant à les suivre dans leurs déboires, dans leurs petites misères, à les observer dans leurs petites défaites comme dans leurs grandes victoires. Car à la fin, par leur façon d’aborder la vieillesse sans faux semblants, sans fausses hontes, sans faux-fuyants, mais avec ce mélange de lucidité et d’humour qui leur permet de garder la tête haute dans toutes les situations, ils m’ont permis – même à moi dont c’est le métier – d’élargir et d’approfondir ma compréhension du vieillissement, et, au-delà, ma compréhension et ma curiosité de l’être humain. Accessoirement, ils m’ont convaincu qu’il sera bientôt temps pour moi de demander à ma coiffeuse de ne plus chercher à camoufler mes cheveux blancs…


* Le cinéma, depuis quelque temps, consacre de plus en plus de films aux thématiques de l’âge : le vieillissement, la maladie d’Alzheimer, la mort…  Voir ma liste de films, dans Mes perles.