publié le 1.12.2020

Les EMS et le moment du placement

Préambule

Depuis leur création, il y a une plus d’une trentaine d’années, les EMS (Établissements Médico-Sociaux) pâtissent trop souvent d’une image injustement négative dans l’opinion du public. Cela peut s’expliquer assez simplement : peu de personnes, en effet, sont attirées par l’idée d’aller vivre en EMS ; tout le monde souhaite passer ses dernières années à la maison et, comme on dit, « mourir dans son lit » au milieu des siens. L’EMS apparaît dès lors, dans l’esprit de beaucoup de gens, comme l’envers sombre du domicile, un lieu auquel on se rend seulement lorsque l’accumulation des maladies et des handicaps de toutes sortes ne permet plus de rester à la maison. C’est aussi un endroit qui peut réveiller en chacun de nous des peurs profondes : le spectacle de tous ces vieillards souffrants ne peut manquer de nous rappeler à une des certitudes les plus effrayantes, celle de notre finitude. On comprend que, dans ces conditions, il soit difficile de se forger une image positive, enthousiasmante, d’un lieu qui se présente comme « le bout du chemin ».

Et la pandémie du COVID n’a rien arrangé. Les EMS ont été touchés de plein fouet par le virus. Abritant des personnes très âgées, déjà fragilisées par des maladies graves et chroniques, les homes se sont retrouvés pour ainsi dire aux avant-postes face à l’attaque du virus ; il était prévisible que ce serait dans leurs murs que le nombre des décès serait le plus important. Et les médias, braquant sur eux une lumière crue, contribuent à en donner une image inquiétante.

Si le tableau que je brosse de nos EMS peut sembler bien sombre, c’est qu’il correspond à une réalité devant laquelle il est inutile de s’aveugler. Il est certain que les EMS d’aujourd’hui, comme on le verra plus loin, n’ont plus grand chose à voir avec les maisons de retraite de naguère, où des retraités encore vaillants allaient volontiers passer quelques années, parfois jusqu’à une dizaine, fuyant la solitude ou les premiers ralentissements de l’âge.

Mais si je me propose aujourd’hui de parler des EMS, c’est d’abord parce que je les connais bien et parce que j’ai une immense admiration pour le travail qui s’y effectue ; c’est aussi parce que je suis convaincue de l’importance vitale de la mission qu’ils assument dans notre société. Cette réalité difficile, cruelle parfois, que je tentais de peindre plus haut, c’est aussi leur grandeur, au sens le plus noble de ce terme.

Nos retraités vivent à la maison

Mais avant de parler des EMS, il convient de rappeler une évidence : dans notre pays, la majorité des retraités vivent à la maison. En 2019, on comptait en Suisse environ 1,5 million de retraités. Parmi eux, seulement 96’000 résidaient dans un EMS, ce qui représente à peine 1 retraité sur 16. On le voit, le nombre des personnes âgées résidant dans un EMS ne forme qu’une toute petite minorité. La plupart des petits vieux de notre belle Helvétie habitent à la maison, en plus ou moins bonne santé, et ne passeront pas par la case « EMS ».

Pour le maintien à domicile

Cette situation enviable s’explique par différentes raisons, dont la plus évidente est que, depuis quelques décennies, et grâce à une meilleure hygiène de vie et aux progrès de la médecine, nous vieillissons en meilleure santé.

Une deuxième raison tient à la volonté politique, affichée depuis une trentaine d’années, autant par les cantons que par la Confédération, de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. Volonté qui coïncide avec le désir de la plupart des gens de passer les dernières années de leur vie à la maison.

À cet effet, un réseau de services complexe et diversifié a été progressivement mis en place afin d’accompagner et de soutenir les personnes âgées à domicile et de leur apporter les soins dont ils ont besoin. Ces accompagnements sont proposés par des associations, des institutions publiques, mais aussi par des entreprises privées. Je mentionnerai, parmi les plus répandus de ces services, les soins à domicile, les infirmiers indépendants, les foyers ou hôpitaux de jour, les unités d’accueil temporaire (lieux de séjour après hospitalisation, en attendant le retour à domicile ou le placement en EMS), les appartements protégés, les aides au ménage, les repas livrés, les services de transport, etc.

Cet ensemble varié d’aides et de lieux d’accueil permet à beaucoup de personnes âgées, même fragilisées par la maladie et en perte d’autonomie, de continuer à vivre à la maison. Ce n’est qu’au moment où l’état de santé physique ou psychique de la personne se dégrade au point que le maintien à domicile devient impossible que la solution du placement en EMS est envisagée. Ce qui signifie qu’aujourd’hui, lorsqu’une personne entre dans un EMS, elle se trouve déjà dans un état de fragilité très avancé.

Les EMS en quelques chiffres

On me pardonnera de commencer mon portrait des EMS par quelques chiffres. L’Office fédéral de la statistique présentait les données suivantes pour l’année 2019 : il existe en Suisse 1’563 EMS, avec une capacité totale d’hébergement de 100’179 personnes. Avec le flottement des départs et des temps d’attente, on compte en moyenne 96’000 résidents dans l’ensemble de nos homes. La durée moyenne du séjour est de 881 jours, soit 2 ans et 5 mois, et l’âge moyen d’entrée se situe à 84 ans. On le voit, la politique visant à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées a porté ses fruits.

Mais cette politique, en repoussant de plus en plus le moment du placement, a eu comme effet une transformation des caractéristiques de la population hébergée par les EMS. Les résidents des EMS sont de plus en plus âgés, de plus en plus lourdement dépendants, fragilisés par des polypathologies de plus en plus lourdes. 1 résident sur 2 souffre d’au moins 8 pathologies graves et chroniques ; les ¾ des résidents ont plus de 80 ans, dont 80 % sont des femmes (en raison d’une espérance de vie plus grande). Ces données, et la réalité qu’elles dépeignent, peuvent expliquer les réactions de rejet de beaucoup de gens devant l’éventualité de se retrouver un jour dans un EMS.

« Je n’irai jamais en EMS ! »
« Plutôt mourir que d’être placé ! »
« Ne me parlez pas de ça, c’est un mouroir, quelle horreur ! »

Les raisons du placement

On l’a vu, le placement intervient en dernier recours, lorsqu’il n’y a plus d’autre solution. Mais les circonstances qui amènent le placement sont de différentes sortes, que l’on peut regrouper grosso modo en trois catégories :

1. La vulnérabilité individuelle. Avec les années, les personnes âgées doivent accepter de voir leur corps et leur esprit se fragiliser. La plupart du temps, la médecine et une bonne hygiène de vie peuvent ralentir ce processus inéluctable, permettant ainsi d’affronter plus ou moins victorieusement les attaques de l’âge et de continuer à pouvoir vivre chez soi, souvent jusqu’à ses derniers jours. Mais il arrive hélas que les problèmes de santé, les handicaps se fassent trop invahissants et que la vie quotidienne à domicile ne soient plus possible. La multiplication des accidents de santé, des chutes, des troubles cognitifs – 70 % des résidents en EMS présentent des troubles cognitifs ou psychiatriques – provoque chez la personne une vulnérabilité telle qu’il devient inévitable d’envisager le placement en EMS.

2. L’isolement. Un grand nombre de personnes âgées vivent seules : les célibataires, les veufs ou les veuves, sans enfants ou avec des enfants vivant très loin. Elles ne trouvent pas autour d’elles un entourage qui pourrait les soutenir, elles redoutent les maladies qui les isoleraient encore davantage, elles n’en peuvent plus de passer des jours, parfois des semaines, sans parler à personne. Souvent, elles vivent dans la peur d’une chute dont elles ne pourraient pas se relever toutes seules ; ce risque de tomber suscite chez nombre d’entre elles des angoisses, des troubles du sommeil, la peur du noir ou de la nuit… De guerre lasse, elles finissent par prendre elles-mêmes la décision d’entrer dans un EMS.

3. La faute à la vieille savate. Le cas de la personne âgée qui fait une chute dans sa maison ou son appartement mérite qu’on s’y arrête un instant. C’est l’une des causes fréquentes du placement en EMS. Le scénario est presque toujours le même : la personne vaque à ses occupations habituelles, confiante dans des réflexes et des automatismes entretenus depuis des décennies ; mais elle ne voit pas – ou elle oublie – que l’espace dans lequel elle se déplace est truffé de pièges et de traquenards : un mauvais éclairage, un tapis mal fixé et qui rebique dans un coin, des bibelots trop nombreux qui encombrent les passages, et surtout les chaussures usées que l’on néglige de remplacer (le syndrome de la « vieille savate »). Un moment d’inattention, de fatigue, d’absence, et c’est la chute, souvent accompagnée de la fameuse fracture du col du fémur. Suivent l’hospitalisation, la rééducation rendue difficile par des os fragilisés, et bien souvent le retour à la maison se révèle impossible, ou bien seulement temporaire, dans l’attente d’une place libre dans un EMS.

La chute avec fracture du col du fémur est tellement fréquente qu’elle a fait l’objet d’études statistiques. Ainsi, les victimes sont souvent des femmes âgées de plus de 75 ans, vivant dans un grand isolement social et souffrant de plusieurs maladies handicapantes, comme des troubles de l’équilibre et de la marche, des troubles cognitifs et des dépressions (les veuves). La fracture du col du fémur chez les personnes âgées s’accompagne souvent d’un mauvais pronostic : 10 % des personnes décèdent dans les dix premiers jours, 25 % dans les six mois. Pour les survivants, leur mobilité est réduite en moyenne de 60 % et, pour un quart d’entre eux, la perte d’autonomie imposera un placement en EMS.

« Alors comme j’étais toute seule, puis je perdais l’équilibre, je tombais dans la maison à chaque moment. Je suis tombée dans ma maison 14 fois, et puis après la quatorzième fois, je suis allée me taper la tête sur le lavabo de la salle de bains et j’ai ouvert le crâne. Alors il a fallu aller tout de suite à l’hôpital, et depuis je ne suis plus rentrée à la maison. Alors, je me suis dit : « Maintenant ça ne va vraiment plus, à tout moment je tombe, c’est mieux d’aller à l’EMS. »

On trouvera dans mes « Perles », sous la rubriques  « Résumés utiles » – lire ici ! –
un document présentant une « Échelle de fragilité »
qui permet de déterminer l’état de santé global d’une personne âgée
au moment décisif d’un éventuel placement en EMS.

Le moment crucial du placement

Il est relativement rare que la décision d’entrer dans un EMS se prenne dans le calme d’une réflexion sereine et approfondie. Le plus souvent, c’est à la suite d’un accident, d’une chute, d’une maladie grave, ou après un séjour à l’hôpital, que l’on découvre que la seule solution est l’EMS. D’autres fois, la personne âgée avait songé au placement – pour un avenir lointain –, parfois elle avait même réservé une place, mais lorsque le téléphone de l’EMS arrive – « Une place s’est libérée, aimeriez-vous la prendre ? » – on hésite, on veut attendre encore un peu, juqu’à ce que l’accident arrive, que l’état de santé soudain s’aggrave. C’est ainsi que la plupart des placements en EMS se font dans l’urgence, souvent sur décision des proches et/ou du corps médical, l’intéressé n’étant plus capable de se prononcer.

Dans ces conditions, l’entrée à l’EMS représente toujours une cassure brutale dans la vie du nouveau résident : on l’a abruptement privé de son domicile, dépossédé de ses habitudes et de ses objets familiers, éloigné d’un voisinage avec lequel il avait malgré tout conservé quelques liens ; c’est pour lui une rupture dans l’image qu’il avait de lui-même. Et l’adaptation à son nouveau lieu de vie en sera d’autant plus difficile.

En fin de compte, et on a là un effet paradoxal de la volonté de maintenir les personnes âgées à la maison, c’est l’abondance des soins à domicile qui conduit la personne âgée à repousser indéfiniment le moment du placement, jusqu’à la crise.

Une question de caractère

Mais que le placement soit effectué en catastrophe, à la suite d’une crise, ou bien au contraire après une décision mûrement réfléchie, c’est en fin de compte le caractère, la personnalité du nouveau résident qui joueront un grand rôle dans son aptitude à s’adapter à la vie en EMS.

Quoi qu’on fasse, certaines personnes ne s’y font que très difficilement ; ce sont surtout les grands vieillards lourdement atteints dans leur santé.

« Je ne suis plus chez moi  ici… encore quand je suis dans ma chambre, mais autrement, non, surtout quand il faut descendre à la cafétéria pour manger tous ensemble… je ne le supporte pas…ce n’est pas ma maison ici ! »

Ces personnes décèdent souvent au bout de quelques semaines, voire de quelques jours ; elles développent assez rapidement un « syndrome de glissement » : elles perdent l’envie de continuer à vivre et s’abandonnent sans résister à un découragement profond devant les difficultés.

Je pense à ce résident nonagénaire, sévèrement atteint de malvoyance et de surdité, cloué dans son fauteuil, condamné à regarder le temps passer ; chaque fois que je le rencontrais, il me répétait qu’il n’en pouvait plus, qu’il voulait s’en aller, malgré la gentillesse des soignantes qui s’occupaient de lui.

En revanche, les résidents qui ont eu le temps de laisser mûrir la décision d’entrer dans un EMS, qui ont pu s’y préparer mentalement, prenant peu à peu congé de leur univers familier, ceux-là vivent beaucoup mieux le « déracinement » du placement et s’adaptent rapidement à l’EMS, même s’ils regrettent leur vie d’avant. L’important, pour eux, c’est qu’ils n’ont jamais cessé d’être maîtres de leur vie, de leurs décisions, et qu’ils ont ainsi préservé l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, leur identité propre. 

« Maintenant ici je me sens en sécurité… je n’ai plus l’angoisse de tomber et de rester seule… ici, on n’a qu’à sonner, le gentil personnel est là tout de suite… et j’ai des amies ici, je ne suis plus seule ! »

Le cas particulier des personnes atteintes d’Alzheimer

Hélas, la préparation au placement en EMS d’une personne vivant avec la maladie d’Alzheimer est rarement facile. Pendant plusieurs années, la personne vit à domicile avec ses proches qui assistent lentement à la diminution, puis à la perte de la capacité de discernement de leur malade. Au moment où le placement en EMS est envisagé, la décision revient au corps médical et aux proches, le malade étant alors dans l’incapacité de se prononcer lui-même. Et le bouleversement qu’apporte ce changement radical de rythme de vie est bien souvent pour lui extrêmement difficile à vivre.

Un certain nombre de mesures, de précautions, peuvent pourtant préparer le placement d’un malade Alzheimer et le rendre moins traumatisant. Lorsque l’état du malade commence à se dégrader, il est important de lui permettre de passer deux ou trois jours par semaine dans un foyer de jour ; ces ruptures en douceur dans sa vie quotidienne, mais aussi la fréquentation d’autres personnes sont une excellente préparation au placement dans un EMS, où les nouvelles rencontres et les changements de décor ne seront plus aussi déroutants. Le recours à un service d’accompagnement à domicile (comme AlzAmi), en plus des soins à domicile habituels, permettra aussi au malade de s’habituer à la présence d’autres personnes autour de lui.

Ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est de garder le malade à domicile avec le seul accompagnement de son proche aidant. Imaginons, et j’en ai malheureusement trop d’exemples, que ce proche tombe malade, ou décède brusquement : le placement se fait alors dans l’urgence et, pour le malade, c’est une véritable catastrophe qui s’abat sur lui.

Les stéréotypes qui freinent l’acceptation du placement en EMS

Dans l’esprit d’une partie du public, un certain nombre d’idées fausses, de clichés abusifs à propos de la vie en EMS contribuent à donner une image négative de ces établissements et à dissuader la plupart des gens d’envisager un éventuel placement.

Ainsi, on entend ici et là que la vie en institution accélérerait le déclin de la santé, qu’elle engendrerait une grande passivité et un état dépressif généralisé. De nombreuses études ont démontré que, le plus souvent, la dégradation de l’état de santé s’est produite alors que la personne vivait encore à domicile, et que c’est même cette détérioration qui a rendu nécessaire le placement. La passivité et la dépression ne sont que les conséquences de cette perte de la santé.

Il n’est pas rare également d’entendre que les résidents d’un EMS y sont « parqués », « abandonnés » par leur famille, « livrés » à leur triste sort, « condamnés » à un ennui interminable. Ces phrases stéréotypées et malveillantes non seulement ne correspondent à aucune réalité, mais elles suscitent chez les proches des résidents un sentiment de culpabilité qui vient encore s’ajouter à la tristesse d’être séparés de leurs vieux parents. En réalité, les résidents sont bien souvent moins isolés que les personnes très âgées qui vivent à domicile ; j’ai souvent observé que le placement en EMS s’accompagne d’une intensification des liens avec les parents, la familles, les amis.

Deux exemples me reviennent à la mémoire : on négligeait de rendre visite à ce grand-père vivant seul dans son appartement parce que l’on se rassurait à bon compte : grand-papa est chez lui, il se débrouille bien, il a de gentils voisins… Mais aujourd’hui qu’il vit à l’EMS, ces excuses sont tombées et la famille et les amis ont pris l’habitude de venir le trouver une fois par semaine au home. Il me disait lui-même qu’il n’avait jamais eu autant de visites chez lui à la maison ! Mon deuxième exemple est assez courant : pendant des années, ce mari dévoué s’était épuisé à veiller sur son épouse malade, à l’accompagner chez le médecin, à accueillir les soins à domicile, à organiser la vie quotidienne. Puis le placement est intervenu, et voilà que cet homme peut laisser de côté son rôle de proche aidant pour retrouver celui de mari ; il vient quatre fois par semaine rendre visite à son épouse, lui parle tranquillement, la dorlote ; il n’est plus submergé par les tâches fastidieuses de l’accompagnement, il peut prendre le temps de simplement tenir la main de son épouse, ce qui ne lui était plus arrivé depuis des années.

On le voit, la réalité de la vie en EMS n’a pas grand-chose à voir avec ces stéréotypes que l’on propage trop souvent par ignorance, quand ce n’est pas par bêtise. 

Conclusion 

Finir sa vie dans un EMS, c’est une éventualité que personne ne peut exclure. Bien sûr, on espère mourir dans son lit, à la maison et au milieu des siens, et c’est d’ailleurs ce qui se passe le plus souvent, comme on l’a vu. Mais nul ne sait ce que l’avenir lui réserve, et le mieux est sans doute de se rallier au dicton : « Il vaut mieux prévoir que subir. » Qu’est-ce à dire ?

En réalité, c’est toute une philosophie de la vieillesse qui doit être mise en œuvre. Et cela commence bien avant la retraite, par l’adoption d’une hygiène de vie susceptible de nous préserver d’un grand nombre de maladies handicapantes, par une réflexion en profondeur sur ce que nous ferons de notre temps après la vie active. Par la suite, et au fur et à mesure que les années passent et que le grand âge s’approche, il s’agit, pour le dire un peu rapidement, de « vivre en espérant le meilleur et en se préparant au pire ». Le meilleur, c’est une vie qui se prolonge sans trop de bobos graves, où la tête et le corps continuent à marcher ensemble. Le pire, ce sont les maladies chroniques, celles du corps comme celles de l’esprit, qui arrivent sans crier gare, qui nous affaiblissent, nous rendent dépendants de nos proches, peut-être nous privent de notre mémoire, de notre intelligence, de notre lucidité. Je crois que la sagesse, à l’entrée de la vieillesse, c’est de garder présents à l’esprit ces deux éventualités, de se réjouir de la première tant qu’elle est là et de se préparer mentalement à la seconde si elle doit hélas se produire.

C’est en songeant à cette dernière situation que nous devons nous réjouir de disposer, en Suisse, d’un très bon réseau d’EMS capables de nous accueillir, de nous accompagner, et même – je l’ai vu de mes yeux – de nous dorloter, le moment venu. C’est là pour moi que résident ce que j’appellerai volontiers la grandeur et la noblesse de nos EMS : ils nous permettent d’aborder la vieillesse et le grand âge avec confiance : si nous devons nous retrouver un jour parmi les personnes que la santé du corps et de l’esprit a abandonnées, les EMS nous ouvriront leurs portes, véritables havres pour nos derniers jours.

Deux livres pour voir autrement les EMS

Afin de terminer sur une note à la fois optimiste et poétique, voici deux petites lectures qui portent un regard souriant et bienveillant sur nos EMS : 

Se réjouir de la fin, Adrien Gygax, Grasset, 2020.
Les Jours heureux, Laurent Graff, Le Dilettante, 2001.

On pourra également relire deux Propos que j’ai consacrés aux EMS :
« Mon EMS idéal ! »
« L’EMS vu de l’intérieur par l’abbé Gilbert Perritaz »